En rupture avec la société du gaspillage, la révolution de l’économie circulaire est en route. Ce mouvement est indispensable : le domaine de la construction est le premier consommateur d’énergie grise et un cinquième des émissions de gaz à effet de serre provient du bâtiment en France. Le secteur gagnera à mettre en œuvre le réemploi qui offre l’occasion de nouer des liens originaux avec les différentes parties prenantes.

The Earthship Biotecture World Headquarters and Visitor Center, au Nouveau-Mexique (USA), un village de maisons en terre, bois et matériaux de réutilisation (pneus, canettes, bouteilles).
© DAVID HAY JONES/SPL/COSMOS

Un marché de seconde main florissant 

La récupération des déchets permet de minimiser l’énergie grise, c’est-à-dire l’énergie nécessaire à la mise à disposition d’un bien ou d’une offre de service à l’utilisateur final, en amont de l’usage. Mais pour générer une économie circulaire dans le bâtiment, pour passer de la « contre-culture » à une véritable industrie du recyclage dans laquelle le réemploi prendra du poids, de breux obstacles réglementaires, culturels et techniques à la valorisation de ces « rebuts » restent à franchir. Collectivités locales et associations se mobilisent, à l’instar d’Emmaüs qui collecte et revend des matériaux avec ses quelque 200 structures réparties sur le territoire.

Le mouvement Earthship a été créé dans les années 1970 dans une perspective d’autosuffisance liée au mouvement hippie. © DAVID HAY JONES/SPL/COSMOS

Diagnostic déchet et mise en place de filières locales sont les nouveaux mots d’ordre. Sur les chantiers, la déconstruction attentive permet de récupérer des produits manufacturés de second œuvre et divers matériaux et composants de gros œuvre.

Le réemploi du carrelage mural fait déjà l’objet d’un marché. © Arne Baer

L’exemple du groupe Rotor 

Fondé en 2005, Rotor est un collectif belge qui s’intéresse aux flux de matériaux dans l’industrie et la construction, à leur réemploi dans de nouveaux projets de construction. En outre, il développe une réflexion critique sur le design, les ressources matérielles et les déchets. Changement de regard, donc, sur le déchet qui devient potentiellement ressource, une approche radicalement différente de celle du recyclage. Concrètement, Rotor conçoit et réalise des projets d’architecture et de design à partir d’éléments récupérés de chantiers de déconstruction.

L’immobilier tertiaire démodé comme celui des années 1970 compte divers éléments de second œuvre propices au réemploi. © Rotor

Le réemploi s’organise et demande une expertise que le collectif a développée en s’impliquant lui-même dans la déconstruction, la collecte, le stockage, le tri et la diffusion de ces ressources. Il a mis en place une plateforme web Opalis, sur laquelle un inventaire en ligne permet la mise en relation des vendeurs et acheteurs de matériaux de construction de seconde main.

Réemployer des matériaux permet d’économiser des matières premières qui s’épuisent et de minimiser l’énergie nécessaire à la déconstruction et au recyclage. Pour Rotor, le principal obstacle à cette démarche résolument écoresponsable réside dans un cadre juridique encore inadapté.

Rotor intervient en amont des chantiers de déconstruction pour récupérer divers produits et matériaux, les stocker sur place et les revendre. © Rotor

Frédéric Mialet, architecte et commissaire de l’exposition Réver(cités), et Eve Jouannais, journaliste.

Eléments initialement présentés dans l’exposition « Réver(cités), villes recyclables et résilientes » à la Cité de l’architecture & du patrimoine, du 12 octobre au 4 décembre. Plus d’informations dans la visite virtuelle de l’exposition.